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Gâteaux santé : rêve ou réalité ?

Les gâteaux sont, depuis toujours, un symbole culinaire de plaisir et de convivialité. Et bien qu’ils soient une gâterie occasionnelle, on ne peut négliger les quantités importantes de sucre et de gras qu’ils contiennent. Est-il possible d’en réduire la quantité sans sacrifier le goût ?

Oui, à la condition de conserver les quantités minimales nécessaires à la réussite. Un gâteau parfait est un bon équilibre entre des ingrédients qui ont tous leur rôle à jouer. Avant de vous lancer, il est important de bien comprendre les rôles du sucre et du beurre dans la structure d'un gâteau

Les rôles du sucre

Dans la plupart des desserts, les tartes, les croustades et même les muffins, le sucre est ajouté principalement pour sa saveur. Mais dans le cas des gâteaux, le sucre joue d'autres fonctions insoupçonnées, qui le rendent pratiquement irremplaçable.

Incorporer des bulles d'air

Lorsque le beurre est battu en crème avec le sucre (première étape de la confection d'un gâteau au beurre et d'une foule d'autres gâteaux), la friction des cristaux de sucre contre le beurre emprisonne des milliers de bulles d'air qui formeront les alvéoles dans la mie au moment de la cuisson.

Assurer la tendreté

Le sucre empêche les protéines naturellement présentes dans la farine de s'attacher ensemble et de former un réseau élastique (le gluten) lorsque la farine est mélangée avec les liquides.

Donner du volume

La hauteur du gâteau ne vient pas seulement des bulles d'air incorporées au moment du battage, ni des agents levants. Une des fonctions insoupçonnées du sucre est de permettre aussi à la pâte de lever plus haut. Comment ? En fait, le sucre augmente la température à laquelle la pâte se solidifie à la cuisson. La pâte reste fluide plus longtemps, ce qui permet à la vapeur et au gaz issu des agents levants (le dioxyde de carbone provenant de la poudre à pâte) de la pousser davantage vers le haut. Si on réduit trop la quantité de sucre, la pâte se solidifie plus rapidement et prend moins d'expansion au four.

Brunir

Finalement, le sucre est essentiel à la formation d'une belle croûte dorée, grâce à deux réactions, la caramélisation et la réaction de Maillard, qui donnent beaucoup de saveur aux gâteaux.

Combien en faut-il ?

Dans une recette de gâteau traditionnelle, il faut normalement le même poids de sucre que de farine, ce qui se traduit par environ 180 ml (¾ tasse) de sucre pour chaque portion de 250 ml (1 tasse) de farine. Pour obtenir une version santé, le sucre peut être réduit à 125 ml (½ tasse) par tasse de farine. Si l'on en met moins que cela, le gâteau risque d'être pâle et plat.

Les rôles du beurre

Le beurre donne une saveur unique aux gâteaux. On peut le remplacer volume pour volume par de la margarine non hydrogénée, ce qui améliorerait déjà le profil des matières grasses des gâteaux (il y aurait plus de bons gras mono et polyinsaturés et moins de mauvais gras saturés). Si on veut en diminuer la quantité, bonne nouvelle : les conséquences sont moins désastreuses qu'une réduction de sucre ! Voyons les fonctions du beurre dans les gâteaux.

Incorporer des bulles d'air

Le beurre sert à retenir les bulles d'air incorporées par les cristaux de sucre durant l'opération de crémage. Ces bulles d'air sont ensuite libérées dans la pâte lorsque le beurre fond durant la cuisson.

Assurer la tendreté

Le beurre, tout comme le sucre, attendrit les gâteaux en freinant le développement du gluten. Si la réduction en beurre est trop importante, la mie peut devenir caoutchouteuse. Le beurre ralentit aussi le rassissement (durcissement) de la mie durant l'entreposage.

Donner du moelleux

Les gras stimulent la salivation et agissent un peu comme des lubrifiants qui facilitent la mastication. Le beurre contribue donc à une sensation d'humidité et de moelleux en bouche. Voilà pourquoi un gâteau réduit en gras peut sembler plus sec qu'un gâteau habituel.

Combien en faut-il ?

Dans les gâteaux traditionnels, il faut normalement 75 ml (⅓ tasse) ou plus de beurre pour chaque portion de 250 ml (1 tasse) de farine. Pour obtenir une version santé, on peut réduire cette quantité à 45 ml (3 c. à soupe) par tasse de farine. Le reste du beurre peut être comblé par une purée de fruit maison ou en petits pots pour bébé (pomme, banane, poire, pêche, avocat…) ou encore par du yogourt épais. Cette substitution n'est pas essentielle, mais contribue un peu à une meilleure humidité de la mie du gâteau.

Aide-mémoire pour gâteaux et muffins santé

Voici les quantités de sucre et de gras recommandées pour obtenir des gâteaux et muffins santé de bonne qualité. Plutôt que de recommander les réductions sous forme de pourcentage (ex. réduire de 30 % ou 50 %) ou de volumes de sucre et de gras par recette, nous vous présentons les quantités nécessaires en fonction de la quantité de farine. Le résultat final peut varier selon la recette et l'interaction avec les autres ingrédients tels que les œufs et les liquides.

  • Comme le sucre et le gras protègent contre le développement du gluten (la protéine élastique présente dans le blé), il faut éviter de trop mélanger la pâte après avoir ajouté les ingrédients liquides aux ingrédients secs.
  • Le sucre et le gras aident aussi à la conservation des muffins et gâteaux, en retenant l'humidité dans la mie. Les versions santé, réduites en sucre et en gras, seront donc meilleures le jour même.

Quantités / par tasse de farine

Gâteaux:

  • Sucre: 125 ml (1/2 tasse)
  • Beurre: 45 ml (3 c. à soupe)

Muffins:

  • Sucre: 30 à 45 ml (2 à 3 c. à soupe)
  • Beurre: 30 à 45 ml (2 à 3 c. à soupe)

Expérience

Réduire le sucre et le beurre

Nous avons testé différents niveaux de réduction de sucre et de gras en utilisant une recette de gâteau au beurre. Voici quelques-uns de nos résultats.

Le gâteau habituel

Notre recette de base contient 150 ml, (⅔ tasse) de sucre et 90 ml (6 c. à soupe) de beurre pour 250 ml (1 tasse) de farine.

Ces quantités de sucre et de gras sont tout à fait en accord avec les proportions généralement recommandées et donnent un gâteau exceptionnel. Notez la belle hauteur, la texture fine et uniforme de la mie, ainsi que la belle croûte dorée.

  • Bon goût
  • Hauteur parfaite
  • Croûte dorée à point

50 % moins de sucre

Pouvait-on réduire le sucre de moitié ? Oui, mais le résultat nous a déçus. Faute de la quantité suffisante de sucre, la pâte se solidifie plus rapidement à la cuisson et le gâteau lève un peu moins. Mais, surtout,  la croûte est pâle et manque vraiment de goût, car il y a moins de caramélisation et
de réaction de Maillard. Il nous fallait
un compromis !

  • Goût fade
  • Mie plus dense
  • Croûte plus pâle

Le compromis (50 % moins de gras et 1/2 moins de sucre)

Pour conserver tous les effets bénéfiques du sucre et du gras sur la hauteur, la couleur et la texture du gâteau, nous avons déterminé qu'il faut utiliser au moins 125 ml (½ tasse) de sucre et 45 ml (3 c. à soupe) de beurre pour 250 ml (1 tasse) de farine (voir notre aide-mémoire). Le résultat est tout à fait acceptable, un compromis qui allie bien plaisir et santé !

  • Bon goût
  • Couleur dorée
  • Moins de calories !

Et les substituts de sucre ?

Est-il possible de remplacer le sucre dans les recettes de gâteaux et de muffins par un substitut comme le Splenda® ou l'Equal® ? Tout dépend. Personnellement, je préfère cuisiner avec toutes les formes de sucres naturels (miel, sirop d'érable, sucre, cassonade…) plutôt que d'utiliser des
produits artificiels. Quelle que soit votre préférence, voici ce qu'il en est.

L'Equal®

C'est quoi : L'Equal® contient de l'aspartame, une toute petite protéine qui est environ 200 fois plus sucrée que le sucre, mais qui perd sa saveur sucrée lorsqu'elle est exposée à la chaleur.

Et dans les gâteaux : Exit l'aspartame dans la pâtisserie ! Impossible de l'utiliser pour cuisiner les recettes qui demandent une cuisson puisqu'il perd sa saveur sucrée.

Le Splenda®

C'est quoi : Le Splenda® contient du sucralose, un composé qui est fabriqué en ajoutant trois atomes de chlore à une molécule de sucre, ce qui rend la molécule 500 à 600 fois plus sucrée. Pour fabriquer le Splenda®, une petite quantité de sucralose est mélangée avec des maltodextrines, une sorte d'amidon qui agit comme agent de remplissage. Le mélange est dosé afin qu'une tasse de Splenda® ait le même pouvoir sucrant qu'une tasse de sucre et, donc, le remplace tasse pour tasse en cuisine.

Et dans les gâteaux ? Le résultat n'est pas toujours heureux. Les gâteaux ne lèvent presque pas, ne brunissent pas et se conservent mal. Pour cuisiner ces types de pâtisseries, mieux vaut se référer aux recettes disponibles sur le site Web du produit plutôt que d'improviser. Par contre, la substitution donne des résultats acceptables dans les muffins. Est-ce que cela vaut la peine ? Le Splenda® permet certes d'enlever des calories : il fournit environ 100 calories par tasse, contre environ 900 calories pour la même quantité de sucre (les calories proviennent des maltodextrines). Mais cette économie de calories vous coûtera cher : une tasse de Splenda® coûte au moins trois fois plus cher qu'une tasse de sucre.

Le Stévia

C'est quoi : Le stévia est le dernier-né des substituts de sucre sans calories disponibles en Amérique du Nord. Il s'agit d'un agent sucrant à base de la plante stevia rebaudiana, originaire du Brésil et du Paraguay. Il s'achète sous deux formes : la forme plus « naturelle » est une poudre verte, composée uniquement de feuilles séchées pulvérisées, ayant un pouvoir sucrant 10 à 15 fois celui du sucre. La deuxième forme, plus répandue, contient des extraits purifiés de stéviosides et/ou de rébaudiosides, soit les molécules responsables de la saveur sucrée de la plante. Ces extraits sont 200 à 300 plus sucrés que le sucre. Ils sont mélangés à des agents de remplissage comme des maltodextrines afin d'obtenir une poudre blanchâtre qui est vendue en sachets pour sucrer les boissons chaudes ou froides par exemple.

Et dans les gâteaux ? Comme le stévia ne perd pas sa saveur sucrée à la cuisson, il est possible de l'utiliser à la cuisson, mais ce produit coûte cher. Un sachet de stévia remplace 10 ml (2 c. à thé) de sucre. Le résultat est acceptable dans les muffins, mais pas dans les gâteaux, où, répétons-le, rien ne remplace les multiples fonctions du vrai sucre!

À surveiller : Si, pour l'instant, les consommateurs peuvent se procurer du stévia en épicerie et en pharmacie à des fins culinaires personnelles, son utilisation par l'industrie alimentaire se limite aux « produits de santé naturels », une catégorie grandissante de produits qui inclut des boissons énergisantes, des jus réduits en calories (le Trop50 par exemple) et des eaux vitaminées. Il y a fort à parier que l'on n'a pas fini d'entendre parler du stévia.

Christina Blais

Pour Christina Blais, vulgariser la chimie des aliments est simple comme de préparer une bonne omelette. Détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en nutrition, elle a enseigné les cours de «Science des aliments» et de «Salubrité alimentaire» au Département de nutrition de l'Université de Montréal pendant plus de 30 ans. Depuis 2001, elle présente le fruit de ses expériences avec Ricardo dans le cadre de l’émission de télé de celui-ci, sur les ondes de Ici Radio-Canada Télé. Les curieux peuvent lire ses chroniques Chimie alimentaire sur le site web de Ricardocuisine. Suivez-la aussi sur @Encuisineavecchristinablais sur Facebook.

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