Recettes  

Travailleurs de nuit

Beau temps, mauvais temps, ils sont au travail quand tout le monde dort. Quand l’horaire de travail interfère avec celui des repas, bien manger n’est pas chose facile. Encore moins lorsqu’on gagne notre pain la nuit.

Chauffeurs de taxi, infirmières, médecins, gardiens de sécurité, déneigeurs, policiers, ambulanciers, caissiers, réceptionnistes d’hôtel, boulangers… Au Québec, près de 700 000 personnes travaillent selon un horaire atypique de soir, de nuit ou selon des quarts variables. Or, comparativement aux travailleurs de jour, ils courent plus de risque de souffrir de problèmes de santé tels que l’obésité, les maladies cardiovasculaires, les ulcères d’estomac et les troubles digestifs.

Lorsque j’animais une émission au petit matin, j’ai moi-même expérimenté quelques-unes des difficultés rencontrées par ces personnes qui, comme moi, devaient se lever au beau milieu de la nuit. Parmi les problèmes fréquents, j’ai noté : grignotage, consommation accrue de café et d’aliments stimulants, perte des signaux d’appétit, constipation et problèmes de digestion, prise de poids à plus ou moins long terme et nombreux questionnements sur quoi et quand manger. Ce sont d’ailleurs les mêmes constats que font les rares études scientifiques sur le sujet et plusieurs travailleurs de nuit avec lesquels j’ai discuté. Les histoires qui suivent relatent les principaux problèmes vécus par ces travailleurs et présentent des pistes de solutions.

«Depuis que je travaille la nuit, j’ai pris du poids surtout autour du ventre. C’est vrai que je grignote tout le temps... En plus, je fais de la haute pression et ça commence à m’inquiéter pour mon cœur.»Michel, 54 ans, gardien de sécurité

LE PROBLÈME : La prise de poids de plusieurs travailleurs de nuit s’explique par différentes raisons, particulièrement par le grignotage plus fréquent. Quand le froid, l’ennui ou le sommeil nous assaillent, le sac de croustilles et la tablette de chocolat deviennent très tentants. Les calories s’accumulent vite et on se retrouve avec un surplus de poids peu commode et nuisible pour la santé.

LA SOLUTION :Pour limiter le grignotage, mangez des repas complets et nutritifs selon un horaire structuré. Gardez les collations hors de portée de la main. Posez-vous la question avant d’ouvrir le sac d’arachides ou de jujubes : « Ai-je vraiment faim ? » Si oui, prenez-en 10, refermez le sac et dégustez-les lentement. Préférez les collations rassasiantes, riches en fibres et en protéines pour vous garder éveillé et vous sustenter jusqu’au prochain repas. Au lieu des jus, privilégiez les fruits et les légumes. Complétez votre berlingot de lait par un petit muffin carotte et noix ou tartinez une tranche de pain de beurre d’arachide. Rappelez-vous que les aliments riches en sucres raffinés ou en gras, comme les boissons gazeuses, les bonbons, les gâteaux, les croustilles, les saucissons et les frites, sont peu nutritifs. Ils diminuent aussi votre état de vigilance soit en étant vite digérés (aliments sucrés), soit en alourdissant votre digestion (aliments gras), menant ainsi au fameux « coup de barre » que l’on souhaite éviter. Si vous grignotez par habitude, trouvez un autre moyen pour tromper l’ennui. Mâchez de la gomme sans sucre, faites quelques étirements ou promenez-vous.

«Certains disent qu’il vaut mieux manger trois repas complets même en travaillant de nuit. J’ai aussi lu qu’il était préférable de prendre six ou sept petits repas légers. En plus, j’ai toujours froid. Vraiment, je ne sais plus quoi faire !» Katherine, 33 ans, infirmière

LE PROBLÈME : Il n’existe pas de règle absolue quant au nombre de repas. Certaines personnes s’adaptent plus facilement à un horaire non traditionnel et mangent leurs trois repas sans problème. D’autres ne ressentent pas la faim et doivent fractionner leurs repas au cours de leur période d’éveil. Enfin, de nombreux travailleurs sont plus frileux la nuit et ont tendance à se réchauffer en buvant beaucoup de café et en grignotant des sucreries.

LA SOLUTION :Peu importe le nombre de repas, optez pour la formule qui convient le mieux à votre organisme. Ce qui compte, c’est de choisir des aliments nourrissants qui vous soutiendront longtemps.

Créez-vous une routine de repas et essayez de manger chaque jour à heure régulière. Ne travaillez pas à jeun. Partez du bon pied en prenant au moins un petit quelque chose comme des céréales ou un yogourt et un fruit. Si vous n’avez pas faim, une boisson protéinée (lait fouetté à la banane ou smoothie) s’avalera mieux. Mangez en groupe, si vous le pouvez, pour stimuler votre appétit. Asseyez-vous et prenez le temps de savourer votre repas dans un environnement aussi agréable et confortable que possible.

Vous avez froid ? N’abusez pas du café. Réchauffez-vous avec d’autres liquides chauds : potage, bouillon, thé vert, tisane, eau chaude citronnée... Résistez à la tentation des aliments sucrés, comme les beignes, le chocolat et les biscuits, qui n’apportent que des calories vides. Si vous avez faim, les protéines sont un meilleur carburant : fromage et raisins, biscuits à l’avoine et verre de lait, poignée de noix, triangles de pita et hummus, quartiers de pomme et beurre d’amandes, pouding au lait… Une fois à la maison, mangez avant d’aller dormir pour que la faim ne vous réveille pas. Évitez toutefois les repas copieux, car ils pourraient perturber le sommeil dont vous avez justement besoin.

«J’ai toujours eu une bonne alimentation, même depuis que je patrouille la nuit. Sauf que j’ai commencé à avoir des problèmes avec ma digestion. J’ai souvent mal à l’estomac et il m’arrive aussi d’être constipée. Que faire pour m’éviter ces désagréments ?»Alexandra, 34 ans, policière

LE PROBLÈME : Reflux, brûlures d’estomac, ballonnements ou constipation, certains travailleurs de nuit souffrent de troubles digestifs variables qui affectent leurs activités.

LA SOLUTION :
Pour les brûlures et les reflux :

  • Ne restez pas plus de 3 heures sans manger, car les aliments aident à réduire l’acidité de l’estomac.
  • Évitez les irritants si vous croyez qu’ils augmentent vos symptômes : épices, condiments piquants, agrumes, menthe, alcool, caféine ou méthylxanthines (présentes dans le café, le chocolat, le cacao et le cola).
  • Minimisez les aliments gras et frits (ex. : poutine, beignes, mets en sauce crémeuse) puisqu’ils ralentissent la digestion et causent de l’inconfort.

Pour la régularité des intestins :

Doublez votre consommation d’aliments riches en fibres de manière à atteindre 25 g par jour. Comment ? Comblez au moins le tiers de votre assiette par des légumes. Troquez le pain et le riz blanc pour du brun. Essayez les pâtes de blé entier avec des légumes grillés et de la feta. Ajoutez des pois chiches à votre salade. Croquez un fruit en dessert et en collation.N’oubliez pas de boire ! De l’eau surtout, mais aussi du lait, des jus, des tisanes, des bouillons… Une hydratation insuffisante cause aussi de la fatigue.Goûtez, si ce n’est déjà fait, aux yogourts contenant du Bifidus, L. casei ou L. acidophilus, des probiotiques qui contribuent à la santé intestinale (diminution des ballonnements, des gaz et des crampes abdominales). Ils existent aussi en suppléments.

«Quand je termine ma nuit à la boulangerie, j’ai souvent de la difficulté à m’endormir. Il faut dire que je bois habituellement six ou sept cafés. Est-ce trop ?» Françoise, 47 ans, boulangère

LE PROBLÈME : Pour se garder éveillés, plusieurs travailleurs de nuit carburent au café et autres stimulants : colas, boissons énergisantes, thé, chocolat, capsules de caféine ainsi que certains médicaments, dont ceux contre la migraine. Deux problèmes peuvent survenir avec leur consommation, excessive ou non. La caféine bloque temporairement les effets de la fatigue et perturbe le sommeil des personnes sensibles. Par ailleurs, consommée en grande quantité, la caféine peut causer de l’anxiété, de l’irritabilité et des brûlures d’estomac. Santé Canada recommande donc de limiter son apport en caféine à 400 mg par jour, toutes sources confondues. Consultez notre page 10 sur le café.

LA SOLUTION : Limitez-vous à trois cafés filtre de format ordinaire (250 ml/1 tasse) ou même moins, si vous consommez d’autres aliments stimulants. Attention aux gros formats du commerce qui fournissent davantage de caféine. Au lieu d’avaler tasse sur tasse, sachez qu’une collation riche en glucides (fruits, légumes, produits céréaliers) et en protéines (produits laitiers, boisson de soya, viandes, œufs, noix, légumineuses) vous gardera éveillé et vigilant. Pour rêver paisiblement, exit café, thé, boissons énergisantes, colas et chocolat environ 5 heures avant d’aller au lit. Réservez-les plutôt pour le début de votre quart de travail. Vous avez vraiment envie d’une boisson chaude ? Privilégiez les tisanes, le cidre chaud à la cannelle (sans alcool), le chocolat chaud à base de lait ou les cafés et thés décaféinés.

«La nuit, tout est fermé ou presque. Je finis toujours par m’acheter un petit sandwich, un sac de bretzels et une boisson gazeuse dans une station-service. J’aimerais tellement manger mieux !»Richard, 31 ans, chauffeur de taxi

LE PROBLÈME : Les stations-service et les dépanneurs ne naissent pas tous égaux en matière d’offre alimentaire. Au mieux, ils disposent de réfrigérateurs proposant des mets prêts à manger ou des sandwichs; au pire, on n’y trouve que des grignotines trop salées, trop grasses ou trop sucrées. Par ailleurs, si votre lieu de travail ne donne pas accès à un service alimentaire ouvert la nuit ou à une cuisinette, vous risquez de succomber à la tentation des distributrices.

LA SOLUTION : Apportez vos propres munitions. Équipez-vous d’une boîte à lunch avec des blocs réfrigérants. Remplissez-la d’aliments légers, mais nourrissants : sandwich au rôti de bœuf, salade de légumineuses, crudités et trempette, yogourt, fromage et craquelins, salade de fruits… Les possibilités sont multiples.

Vous avez envie de manger chaud, mais n’avez pas accès à un micro-ondes ? Investissez dans un contenant isotherme en inox. Vous pourrez le remplir d’un bon mijoté maison. Un pur moment de bonheur !

Hélène Laurendeau

Passionnée d’alimentation, de santé et de voyages gourmands, Hélène adore partager ses trouvailles avec le grand public. Diplômée en nutrition (Université de Montréal) et en épidémiologie (McGill), elle est active dans les médias depuis plus de 25 ans. À la télévision, elle fait équipe avec Ricardo depuis 2005 pour vulgariser ses connaissances avec la bonne humeur qu’on lui connaît. À la radio, Hélène collabore aussi chaque jeudi à l’émission Bien dans son assiette (Ici Radio-Canada Première). On peut également la lire dans le magazine Ricardo. Pour suivre Hélène sur les réseaux sociaux :
Twitter : @Hlne_Laurendeau
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