Recettes  

Les bienfaits de manger ensemble

Les repas des fêtes ont un petit quelque chose de particulier, mais pas seulement en raison du goût si spécial de la tourtière de notre grand-mère. C’est l’acte de manger ensemble qui change tout. De plus en plus rare au quotidien, ce geste offre pourtant de nombreux bénéfices.

Le sentez-vous ? Il y a assurément quelque chose de magique qui commence à s’installer. Un genre d’aura qui imprègne l’atmosphère entourant les repas du temps des fêtes et qui les rend si uniques. Si, pour certains, c’est le menu qui vole la vedette, il y a bien plus que le contenu des assiettes qui fait de ces repas des moments à part. À l’approche du réveillon du 24 décembre, sensibilisés par les publicités pour la guignolée, beau­coup prennent conscience de la chance qu’ils ont d’avoir un réfrigérateur plein. Pour d’autres, la planification des menus, parfois des semaines à l’avance, ne fait qu’accentuer l’excitation de recevoir les gens qu’ils aiment.

Mais, surtout, il s’agit d’un moment de l’année où de nombreuses familles vivront une rare occasion de se rassembler autour de la même table. Elles expérimenteront ce qu’on appelle la commensalité, c’est-à-dire le fait de partager un repas en compagnie d’autres personnes. Un geste qui peut sembler anodin, mais qui a pourtant de grandes réper­cussions sur notre vie. En effet, les études sont claires : manger ensemble au quotidien est bénéfique. On aurait donc probablement tout à gagner à tirer quelques leçons de cette période de l’année et à saupoudrer un peu de cette com­mensalité festive sur les repas des cinquante autres semaines.

Coeur

Le repas familial : bien plus que des nutriments

Nous vivons présentement un phénomène d’individualisation de l’alimentation. Pensez à votre cousine végétarienne, à votre frère paléo, à votre ami « sans gluten », ou même à votre grand-mère diabétique. Les influences de la santé, de la nutrition et des modes en alimentation se sont glissées dans les choix et les restrictions alimentaires de tout le monde. Difficile, en 2016, de cuisiner un repas dont tous pourront profiter.

En parallèle, nous cuisinons de moins en moins. Les repas prêts à manger sont devenus monnaie courante. Il est plus facile de se réchauffer un plat, quand on a faim, que de le préparer. On peut ainsi manger quand on veut, où on veut, ce qui semble pratique lorsqu’on est débordé. Pas facile de tous se réunir autour de la même table quand les horaires et les priorités ne concordent pas.

En tant que nutritionniste, ce phénomène me préoccupe, et je ne suis pas le seul. Selon Marie Marquis, professeure titulaire du Département de nutrition de l’Université de Montréal, « le repas familial procure de nombreux bénéfices, et il est même considéré comme un indicateur d’une saine alimentation ». Généralement, plus il est fréquent, plus l’alimentation sera nutritive, et ce, pour tous les membres de la famille. En effet, lorsque le repas est mis au centre des priorités familiales, on risque davantage de cuisiner plutôt que de se tourner vers des solutions rapides.

« Ce sont toutefois les bénéfices psychosociaux que le repas familial apporte qui sont les plus importants », poursuit Marie Marquis. En effet, la prise de repas en famille est liée à une meilleure santé mentale. Des études ont déjà associé l’absence de repas familiaux à l’anxiété, à la dépression et à la violence, de même qu’à la consommation de drogue et d’alcool et au tabagisme. On a également observé que plus leur fréquence augmentait, plus les risques de souffrir de troubles de l’alimentation diminuaient. On croit que ces bienfaits seraient en partie expliqués par le fait que ces repas facilitent les interactions entre les différents membres de la famille. Ils permettent de tisser des liens plus forts.

Pour les enfants, il s’agit d’un moment d’appren-tissage très important. C’est une occasion privilégiée, pour eux, de se familiariser avec de nouveaux ingrédients, ce qui a des répercussions sur la diversité d’aliments qu’ils consommeront à l’âge adulte. Le repas leur permet également de s’identifier à leur culture d’appartenance et aux valeurs familiales.

Rendez-vous matinal

Traditionnellement, c’est le souper qui est considéré comme étant le repas familial. Toutefois, selon Marie Marquis, « déjeuner en famille pourrait procurer les mêmes bénéfices. Peu importe le moment de la journée, l’important est de se retrouver ensemble. On devrait, comme adulte, se faire un devoir de s’asseoir à table avec l’enfant, même si on ne mange pas. Les enfants ne devraient jamais être seuls au moment du repas ».

Comment ajouter un peu de commensalité au quotidien ?

Une des principales barrières au repas familial est le manque de temps, ou du moins, la perception du manque de temps. Il faudrait être plutôt insouciant, ou du moins aimer le stress, pour recevoir sa famille le 24 décembre et commencer à réfléchir au menu la veille. Or, c’est un peu ce que l’on fait au quotidien avec les soupers. Lors du grand sondage sur les habitudes alimentaires des Canadiens paru dans notre magazine au printemps dernier, on a observé que la majorité des ménages décident du repas le jour même. Seulement 10 % des répondants planifiaient les repas. Il s’agit pourtant d’une méthode à la portée de tous pour gagner du temps. En sachant ce qui sera cuisiné pendant la semaine, on peut faire les achats en conséquence et préparer à l’avance certaines étapes des recettes.

Pour les familles qui célèbrent Noël, les repas festifs sont une tradition quasi immuable. On s’attend à ce que la plupart des membres de la famille soient présents. Ainsi, sans imposer des attentes aussi rigides pour les repas quotidiens, on peut commencer par se fixer l’objectif de manger ensemble un certain nombre de jours par semaine. « Il s’agit souvent de l’un des seuls moments de la journée où les parents ont le temps de parler avec les enfants », souligne Marie Marquis. N’hésitez pas à mettre au clair qu’il est attendu que les membres de la famille soient là. C’est une façon d’instaurer une tradition familiale qui permet de se réunir régulièrement.

Si le repas est un moment aussi précieux pour communiquer, il faut par conséquent tenter d’éloigner les distractions au maximum, à Noël comme le reste de l’année. Si mon cousin que je vois une fois par année texte devant moi pendant le réveillon, on peut s’attendre à ce que nos conversations en souffrent… Selon cette logique, même si les repas quotidiens sont plus fréquents, il faut essayer de montrer de l’intérêt pour les gens qui nous entourent. Dehors la télévision, les cellulaires et autres tablettes ! Non seulement ils nuisent à la qualité des discussions, mais ils perturbent également nos signaux de faim et de satiété en détournant notre attention de nos propres sensations. Ces signaux sont pourtant essentiels puisqu’ils nous informent lorsque c’est le temps d’arrêter de manger.

Merci pour le bon repas !

On y pense rarement, mais de nombreuses personnes ont travaillé bien avant que l’on puisse goûter à la première bouchée. La période des fêtes est un moment où l’on prend plus le temps d’appré­cier les efforts déployés pour nous. Cette reconnaissance est un sentiment qui devrait exister tout au long de l’année. Si nous mesurions davantage le travail nécessaire pour produire les aliments que nous consommons, nous en prendrions probablement plus soin et nous gaspillerions assurément moins.

À table, tout le monde !

Avant même qu’on s’assoie à table, l’alimentation reste un phénomène hautement social. Pensez aux buffets du temps des fêtes où tout le monde met la main à la pâte pour préparer le festin. Cette répartition des tâches est une autre facette du côté social de l’alimentation. Dans ces hauts lieux de rassemblement que sont la cuisine et la salle à manger, la mise en place de la table, la préparation ou la mesure des ingrédients, la cuisson et même la vaisselle sont autant d’occasions de partage et d’apprentissages.

Et rappelez-vous : sans plaisir ni harmonie, les bénéfices de manger ensemble disparaissent. Après tout, ce ne sont pas que la pâte, la viande et les épices qui rendent la tourtière de grand-maman aussi délicieuse. Non, c’est le plaisir de se rassembler qui en fait un mets si cher à nos yeux. Et ça, c’est probablement la leçon la plus importante que nous devrions retenir de ce moment de l’année.

Bernard Lavallée

Notre collaborateur Bernard Lavallée est nutritionniste et membre de l'Ordre professionnel des nutritionnistes du Québec. Il est l'auteur des livres Sauver la planète une bouchée à la fois et N'avalez pas tout ce qu'on vous dit, parus aux Éditions La Presse. Il collabore à divers médias et alimente de façon régulière son blogue. Bernard vulgarise pour nous les découvertes scientifiques en matière de nutrition. Photo : Katya Konioukhova.

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