Tout est dans le piment
Les Péruviens ont un dicton : Si no pica, no toca. Cela veut dire « si ce n’est pas piquant, on n’en mange pas ». La nourriture n’est pourtant pas particulièrement épicée ici, mais elle est si fraîche, vive et équilibrée que les palais ont un sens aiguisé de ce qui fonctionne ou pas. Le piment ají amarillo est à la base de nombreux mets traditionnels, ajoutant saveur, couleur et mordant. Il est toutefois difficile à trouver hors du pays. C’est sans doute pourquoi le ceviche que je mange partout pendant ce voyage est le meilleur jamais dégusté. Il offre un mélange parfait de fraîcheur, de saveur acidulée et de tendreté qui goûte les vacances.
Lima méli-mélo
Lima est tout en contrastes : gratte-ciel blancs, imposants palmiers, larges boulevards, maisons coloniales et bidonvilles s’étendent sur un littoral humide et brumeux. Dans le secteur grouillant de Miraflores, le nombre de bons restaurants est ahurissant. La métropole péruvienne est la capitale incontestée de la gastronomie sud-américaine et est aussi impressionnante en version haut de gamme que dans un cadre informel. Il n’y a qu’à s’arrêter dans un stand de rue pour savourer des picarones, d’irrésistibles beignets à la patate douce arrosés de sirop épicé.
Le ceviche dans tous ses états
Le ceviche, composé de morceaux de poisson cru « cuits » dans le jus de lime, est le plat emblématique du Pérou. Pour en apprendre davantage, je me rends dans une école de cuisine où le chef Juan Manuel m’explique les origines millénaires du mets. Puisque les citrons verts ne sont apparus qu’avec les conquistadors, les peuples anciens utilisaient la pulpe fermentée du tumbo comme agent de conservation. La marinade laiteuse qui rend le poisson semi-opaque s’appelle leche de tigre. Avec des ingrédients frais et de qualité, pourquoi ne pas faire votre propre ceviche péruvien?
Le Pérou dans l'assiette
Depuis dix ans, le gouvernement fait appel aux chefs, aux chercheurs, aux nutritionnistes et aux producteurs pour fortifier l’identité gastronomique du pays. Et ça marche! Plusieurs restaurants liméniens font l’objet d’une reconnaissance internationale et figurent bien haut dans le World’s 50 Best. On pense au Central, où les propriétaires offrent un véritable voyage culinaire. Chacun des dix-sept services rend hommage à un niveau d’altitude et à un microclimat. Comme le note mon guide Carlos, on peut tout faire pousser ici, il suffit de trouver l’altitude avec le bon microclimat. Et où pouvez-vous déjeuner au bord de l’océan, dîner dans les Andes et souper en Amazonie?
Le génie d'Acurio
Je m’arrête à La Mar, une cebichería animée appartenant au chef vedette Gastón Acurio. Ici, le festival de fruits de mer attire tant les touristes que les gens d’affaires. Acurio trône en roi de la restauration en Amérique du Sud. Formé à Paris et doué en affaires, il rentre à Lima avec les habiletés et le savoir-faire pour asseoir la réputation culinaire péruvienne. En plus des différentes succursales de La Mar dans le monde, il gère une chaîne de restaurants chinois, Madam Tusan (le Pérou a la plus grande population chinoise en Amérique latine), ainsi que les réputés restaurants Astrid y Gastón.
Influences extérieures
Des influences culturelles de partout composent la cuisine péruvienne. Et depuis les années 1980, les aliments préincas reprennent du galon. Au restaurant Fiesta Chiclayo Gourmet, je suis charmée par un festin nordique proposant un ceviche de mérou sur braise, un riz aux herbes avec viande de canard, de la courge loche et de la panse de chèvre. L’immigration japonaise remonte ici à plus de cent ans et a fait naître une délicieuse branche de la cuisine fusion appelée Nikkei. Le chef Mitsuharu Tsumura la considère comme « une troisième réalité ». Une seule bouchée de son nigiri au thon surmonté d’un œuf de caille injecté de ponzu citronné nous fait croire à cette « réalité ».
Lima, on se reverra. ¡Buen provecho!
PHOTOS: MICHAEL ABRIL